Archi-samplés par les rappeurs et formation culte du deep-funk 70, Cymande effectue son grand retour son scène le 19 septembre à Paris (Le Trianon). les membres originaux du groupe, Mike Rose, Sam Kelly et Pablo Gonsales retracent pour FunkU l’odyssée multigenres des auteurs de « The Message » et « Brothers on the Slide. »

FunkU : La musique de Cymande est un mélange de funk, de soul, de reggae et de musiques africaines et caribéennes. Chaque membre est-il responsable de ces influences particulières ?

Mike Rose  : Sam est le funkateer du groupe. Je suis le jazzman et Pablo est le rastaman. Chacun apporte ses goûts et ses préférences dans la musique de Cymande.

Sam Kelly  : Patrick Patterson, notre premier guitariste, était aussi un excellent guitariste de jazz et je sais qu’il a beaucoup influencé mon jeu de batterie.

Existait-il une scène funk et soul en Angleterre au début des années 1970 ?

Mike Rose : Oui. Osibisa était arrivé avant nous. Il y avait pas mal de groupes qui tournaient en Angleterre sans être véritablement connus comme Noir, Djala et Danta.

Sam Kelly : Il y avait aussi les Hummingbirds que j’aimais beaucoup. Il faut bien se rappeler que le public anglais était encore très influencé par tout ce qui venait d’Amérique. Ils se fichaient de la musique que pouvait jouer un groupe de musiciens originaires de Guyane, de Jamaïque ou de Saint-Vincent et qui se produisait chaque semaine dans les clubs de Brixton ou de Clapham. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que Cymande a remporté plus de succès en Amérique qu’en Angleterre. Aux États-Unis, on a pu ouvrir pour Kool and the Gang et Al Green. On est même passés à l’Apollo et dans l’émission Soul Train.

Pablo Gonsales : Il y avait aussi pas mal de racisme. On avait du mal à se faire engager et on se retrouvait souvent dans des clubs ouvriers de banlieue. Des endroits souvent hostiles…

Cymande est toujours perçu comme un groupe anglais. Ça ne vous semble pas étrange au vu de vos origines respectives ?

Sam Kelly : Pas vraiment, et c’était peut-être même une chance…. C’était là qu’on habitait, et c’était aussi là qu’on avait démarré notre carrière. C’est vrai qu’il était parfois étrange de nous voir classés dans la catégorie des groupes soul anglais, mais c’était peut-être aussi une chance, car nous ne voulions pas sonner comme les groupes américains, comme c’était le cas de Gonzales et des dizaines d’autres formations.

Pablo Gonsales  : L’influence rasta nous a également permis de nous éloigner de ces groupes, d’un point de vue spirituel et musical. Pour moi, la batterie faisait partie de mon âme depuis l’âge de 8, 9 ans. Je n’ai jamais pris de cours, mon jeu m’est venu naturellement, c’était un don et c’était aussi une manière d’apporter un son différent de ce qu’on pouvait entendre à la radio vers 1971-1972.

Mike Rose : (feuilletant les pages de Funk-U: Billy Preston. On a ouvert pour lui plein de fois à l’époque. Mandrill ! Un groupe fantastique…

Cymande 2

Cymande live au New Morning (2010). Photo : Joachim Bertrand pour www.funku.fr

Votre musique est très proche de Celle de Mandrill.

Sam Kelly  : Absolument. Ils venaient du Panama et ils avaient su importer la musique de leur pays aux États-Unis. On s’est toujours sentis proches de Mandrill, et pas seulement d’un point de vue musical.

Mandrill a eu du mal à s’imposer car leur musique dépassait la catégorisation en mêlant plein de styles divers. Cymande a-t-il souffert de ce type de problème ?

Pablo Gonsales   : Oui, un peu vers la fin. C’est plus difficile de vendre ce genre de musique, c’est évident. Je comprends que les gens soient formatés par ce qu’on leur fait entendre tous les jours. Dans Cymande, on aimait Aretha Franklin, James Brown and the Blue Flames et Curtis Mayfield, mais on pouvait aussi adorer en même temps Manu DiBango et Ray Charles.

Sam Kelly : Je peux vous poser une question ? Comment et quand le public français a-t-il découvert Cymande ? Le groupe s’est séparé en 1975 et j’aimerais savoir si cet engouement remonte à cette époque.

Funk★U : Pour être honnête, je doute que les français vous aient découverts dans les années 1970 car il n’y avait pas de véritable scène soul-funk en France à l’époque. À part les collectionneurs, les gens ont entendu votre musique pour la première fois dans les samples des rappeurs, dont Mc Solaar qui a eu un énorme tube avec « Bouge de là », qui samplait « The Message » au début des années 1990. Ensuite, certaines radios se sont mises à passer « Bra », « Brothers on the Slide »…

Sam Kelly : C’est intéressant. Quand on tourne aux États-Unis, on sent que les gens nous suivent depuis le début des années 1970. Ce n’est que bien plus tard que nous avons découvert que Cymande avait marqué les esprits des nouvelles générations. J’ai souvent joué en France, notamment avec Liz McComb. Les gens étaient stupéfaits d’entendre que j’avais joué dans Cymande. Aux Etats-Unis, ça ne me surprenait pas de découvrir ce genre de réaction, mais en France… Les gens ne parlaient plus à Liz, mais à moi (rires) ! Dis-moi, peux-tu aussi me dire pourquoi Second Time Round (1973) et Promised Heights (1974) sont moins réputés que The Message en Europe ?

Funk★U : Sans doute parce qu’ils sont plutôt perçus comme des disques plus proches de la world music que The Message, qui est un classique soul-funk.

Pablo Gonsales : Pour nous, The Message n’était pas un album funk ou soul. On jouait de la musique roots, c’est tout.

 Propos recueillis par SlyStoned

Cymande Full Live Band en concert à Paris (Le Trianon) vendredi 19 septembre. Billets en vente sur tous le réseaux.