Promis à longueur d’interviews depuis près d’une décennie, George Clinton publie aujourd’hui via son label The C Kunspyruhzy First Ya Gotta Shake the Gate, un triple album estampillé Funkadelic qui ferait presque passer How Late Do U Have 2BB4UR Absent ?, le dernier effort officiel des usines Clinton paru en 2005 pour un modèle de clarté. L’amoncellement de ces 33 titres ressemble davantage à un fourre-tout rassemblant dix années de séances studio (sur le premier CD, « Baby Like Fonkin’it Up » et « If I Didn’t Love You » sonnent comme des maquettes inachevées), avec une nette prédilection pour le hip-hop vocodée, dont la couleur imprègne assez inexplicablement plus de la moitié de ce triple album. Le projet solo de Sativa se cacherait-il dans cette collection ? Et Funkadelic dans tout ça ? Passé l’atmosphérique « Fucked Up » du premier disque, il faut attendre le deuxième CD pour entendre une guitare électrique via « Jolene », une extrapolation saturée de « We Do This » portée par un chorus de Michael Hampton. « As In », perdu entre deux raps léthargiques, ressemble (de loin) aux bizarreries orchestrales de Bernie Worrell sur America Eats Its Young et les funkateers pro-Parliament risquent de s’étrangler à la découverte de « Dirty Queen », une tranche de speed-metal prodiguée par God’s Weapon.

Point route : après un premier disque essentiellement hip-hop et un second inclassable, la troisième galette de First Ya Gotta Shake the Gate s’avère la plus satisfaisante :  Sly Stone divague sur « The Naz », une étrangeté qui a le mérite d’être un des rares titres frontalement funky de cette triple offrande. Les harmonies vocales de « Talking to the Wall », la ballade à combustion lente « Where Would I Go ? » dans laquelle on perçoit la space bass de Bootsy Collins, et le groove liquide de « Yesterdejavu » ne sont pas loin des meilleurs titres de l’excellent T.A.P.O.A.F.O.M. Et que serait une production Clintonesque sans ses étrangetés, dont le duel guitares/drum’n’bass de « The Wall » et l’uptempo « Zip It ». Au final, un ensemble décousu et inutilement long (pourquoi nous asséner 12 minutes de multiples variations périmées d' »Atomic Dog » ?) où la patience de l’auditeur est mise à rude épreuve avant d’accéder à une dernière ligne droite plus facile d’accès. Comme si le Dr. Funkenstein avait dissimulé le véritable nouvel album de Funkadelic en CD bonus de ses récentes chutes de studio de qualité hautement variable. George, ne changeras-tu donc jamais ?

Funkadelic First Ya Gotta Shake The Gate ** (The C Kunspyruhzy). Disponible en version digitale sur toutes les plateformes légales. Version CD annoncée pour le 23 décembre.