« Voir Betty Davis sur scène dans les années 1970, c’était comme vouloir regarder un Walt Disney et tomber sur un porno », s’esclaffe un critique en relisant une chronique d’époque dans un scène de Betty Davis, la Reine du funk.
Réalisé par Phil Cox, ce documentaire retrace en 52 minutes la carrière éclair et les origines de la prêtresse du heavy-funk. À des années-lumières du zapping hagiographique, cette passionnante coproduction franco-britannique dresse un portrait intimiste d’une noirceur étonnante. « Il y a toujours eu un petit oiseau à l’intérieur de moi, mais c’est devenu un corbeau noir« , commente Betty Davis. Dans son auto-interview façon Little Big Man, Betty Davis commente en voix-off sa jeunesse et le quotidien ségrégation en Caroline du Nord, le choc esthétique du blues, l’écriture de ses premières chansons, puis son départ pour New York et sa rencontre avec Miles Davis. « Chaque jour de notre mariage, j’ai dû mériter de porter le nom de Davis », regrette Betty Davis en évoquant une union aux conséquences néfastes.
Cet échec matrimonial sera pourtant le catalyseur du trio d’albums mythiques Betty Davis (1973), They Say I’m Different (1974) et Nasty Gal (1975), illustrés par de rarissimes images live en Super-8. Celles-ci sont muettes, mais heureusement synchronisées sur une bande-son composée des classiques éternels de la nasty gal (« Anti Love Song », « If I’m in Luck I Might Get Picked Up », « F.U.N.K. »…)*. De même, si la narratrice principale est bien présente au coeur du récit, on ne voit pas Betty Davis à l’écran. Seule sa voix moirée par les ans et quelques détails -une main, un oeil, une silhouette furtive- renseignent le spectateur sur la septuagénaire vivant dans un modeste appartement de la banlieue de Pittsburgh…
Entre autres révélations, Betty Davis, la Reine du funk informe que l’attitude rebelle de la Messaline du funk classé X n’était que le déguisement d’une artiste hypersensible trop en avance sur son temps. Brisée par l’industrie du disque et de graves problèmes personnels et familiaux, Betty Davis préférera se retirer du circuit, puis disparaître complètement à l’orée des années 1980. Too much to soon…
Betty Davis, la Reine du funk de Phil Cox ****(France/Royaume-Uni, 2017, 52mn). Diffusion sur Arte le 9 mars à 22 h 55. Rediffusion le 31 mars à 5 h 20.
*Les collectionneurs ne passeront pas loin de la crise d’apoplexie en découvrant le batteur Gregg Errico fouiller dans un sac plastique à la recherche des cassettes de ses premières répétitions avec Betty Davis…