Debbie Sledge opère une reconversion dans le jazz vocal avec le Niels Lan Doky Trio. Live at the Standard, un album en public disponible en vinyle, est aussi l’occasion pour la membre des Sister Sledge de renouer avec ses influences groove. Rencontre avec une Disco Queen, quelques heures avant son excellent premier concert parisien.

FunkU : Votre nom est associé à la disco et au funk. Comment avez-vous effectué cette transition vers le jazz ?
Debbie Sledge : Tout s’est passé de manière très organique et j’ai été beaucoup aidée par le talent du Niels Lan Doky Trio. Je les avais déjà vus sur scène, on me les a présenté quelque temps après et la générosité de Niels m’a beaucoup touchée. J’avais vraiment commencé à chanter du jazz en formation big band au Cotton Club de New York en 2013, l’année où nous avons mis en place ce show, et cette très belle relation musicale a débouché sur ce projet.

À quand remonte votre intérêt pour le jazz ?
Il a toujours été là. Je viens d’une famille très musicale : ma mère possédait une énorme collection d’albums de jazz et j’ai fini par en hériter. Le jazz exprime une sensation très profonde et le timing de chanteuses et de chanteurs comme Nat King Cole, Ella Fitzgerald ou Jimmy Scott sont fascinants. Le chant de Nancy Wilson et Sarah Vaughan est si dramatique. Ce sont des actrices qui racontent des histoires bouleversantes.

De quelle manière avez-vous adapté votre voix aux rythmes du jazz ?
Je pense que ma voix s’adapte naturellement au jazz. Dans Sister Sledge, nous avons appris très tôt à adapter nos voix aux besoins des chansons. Sister Sledge est un groupe où chacune d’entre nous chante en lead et nous devions choisir à chaque fois laquelle d’entre nous servirait le mieux la chanson. Le timing du jazz est aussi très différent des autres, mais c’est une expérience gratifiante car quand vous parvenez à le maîtriser, il vous permet d’apprendre à raconter une histoire du début à la fin.

Comment avez-vous sélectionné les titres de Live at the Standard, que vous avez enregistré au Standard Jazz Club de Copenhague en 2015 ?
Il y avait tellement de choix… Certains sont des instrumentaux que le Niels Lan Doky Trio jouait sur scène, comme « Summertime » par exemple. J’avais vu une vidéo d’un concert de Niels en Corée ou au Japon sur YouTube et j’ai vraiment voulu la reprendre avec eux. Même chose avec « Compared to What » de Les McCann et Eddie Harris, qu’ils jouaient déjà sur scène. Mon mari, qui est un grand fan de soul et de George Duke, nous a aussi suggéré de jouer « There Was a Time » de James Brown. Nous reprenons aussi des titres de Stevie Wonder, et même des chose plus contemporaines comme « Lose Yourself to Dance » de Pharrell Williams avec Daft Punk.

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Sister Sledge avec Bernard Edwards et Nile Rodgers en studio

« We Are Family », l’hymne de Sister Sledge, fait également partie de ce répertoire. Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu cette chanson ?
Bien sûr ! C’était dans le studio où nous travaillions avec Nile Rodgers et Bernard Edwards et nous étions là au moment où ils l’ont écrite. Nile et Bernard s’échangeaient des petits riffs. Je me souviens aussi qu’ils nous avaient dit qu’ils avaient envie d’écrire une chanson sur nous et nous étions très excitées. Nous n’avons pas effectué beaucoup de prises vocales car le temps de studio coûtait très cher. Du coup, nous devions chacune apprendre nos parties à la maison pour les rejouer le lendemain en direct avec Nile et Bernard. Et comme nous avions bien fait nos devoirs, les choses allaient très vite (rires) ! Ma soeur Kathy a chanté la partie principale en une seule prise, c’était très spontané. Le jour où nous avons entendu la version finale de « We Are Family », nous savions que cette chanson allait rester.

Quelques années avant cet enregistrement, vous aviez participé avec vos soeurs au festival Rumble in the Jungle, en marge du célèbre combat Ali/Frazier à Kinshasa, en 1974. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était un des plus grands moments de ma vie. Le simple fait d’aller en Afrique était incroyable et lors du voyage, la présence d’artistes et des personnages si impressionnants était tout simplement exceptionnelle. Nous étions très jeunes et on se demandait parfois ce que nous faisions là, mais nous le prenions du bon côté… L’incident le plus drôle a eu lieu lors du décollage. L’avion n’avait pas pu décoller car James Brown avait emmené trop de bagages (rires) ! Ensuite, nous avons passé le vol à jouer de la musique et à nous lancer dans des conversations passionnantes avec un grand nombre de musiciens présents à bord. On avait l’impression de regarder un film ! Une fois arrivées en Afrique, nous avons vécu une expérience très forte. L’accueil a été extraordinaire, même si à l’époque, nous ignorions tout de l’aspect politique de cet événement. Surtout, j’ai ressenti que j’avais un lien très profond avec ce continent, et cette sensation m’a submergée.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
Sister Sledge donne toujours des concerts. Nous nous produisons avec mes soeurs Joni et Kim (Kathy Sledge ne fait plus partie du groupe, nda). Nous allons aussi prochainement publier un nouvel album Women Are the Music of the World, que nous avons produit nous-mêmes. Et bien sûr, je vais poursuivre cette collaboration avec Niels. Cette aventure ne fait que commencer.

Propos recueillis par SlyStoned. Photo d’ouverture : Signe Roderik.

Debbie Sledge with The Niels Lan Doky Trio Live at the Standard. Disponible en vinyle et version digitale sur thestandardjazzclub.com.