« Allo Funk★U ? DâM-FunK vous propose de l’appeler dans une heure. » Six ans séparent les deux albums solo du producteur, mais Damon Riddick n’a laissé que 60 minutes de battement à Funk★U pour évoquer sa vision progressiste d’un funk à la fois moderne et respectueux de ses aînés. Entretien au bout du fil avec un funkateer aussi clairvoyant qu’engagé.

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Funk★U : Invite The Light est votre deuxième album solo six ans après Toeachizown. Entre-temps, vous avez participé à de nombreux projets, dont le LP Seven Days of Funk avec Snoop Dogg en 2014. Avez-vous préféré attendre le bon timing pour publier ce nouvel album ?

DâM-FunK: Oui, c’était le bon moment. J’ai été impliqué dans de nombreux projets depuis 2009. Entre temps, j’ai rencontré beaucoup de gens, il y a eu des hauts et des bas, des morts et des trahisons, d’où le titre du premier single : « We Continue ».

Pour beaucoup, le funk est né à la fin des années 1960 et il est mort au début des années 1980. Quelle est votre opinion sur le sujet ?

Je ne suis pas d’accord. Les choses évoluent constamment. À un moment, les gens en ont eu marre de voir dix ou douze musiciens sur scène, des costumes, des chorégraphies… Ils ont eu envie de quelque chose de plus simple, de plus dépouillé. Le hip-hop a remplacé progressivement les grands ensembles, le son est redescendu dans la rue et les instrumentations complexes ont été remplacées par un micro et un beat. D’un autre côté, d’autres auditeurs avaient encore envie de musicalité… Ces mutations ont lieu à peu près tous les dix-quinze ans. Aujourd’hui, le funk est représenté par une nouvelle vibration et une nouvelle apparence. C’est ce que j’appelle le Modern Funk.

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DâM-FunK

La technologie a aussi joué un rôle important dans cette mutation.

Tout à fait. Dans les années 1980, Prince a réussi un créé son propre univers à l’aide de machines. De nos jours, n’importe qui peut entrer dans un magasin et s’acheter un software de programmation musicale. Le problème, c’est que ça finit par modifier l’oreille de ceux qui font la musique et de ceux qui l’écoutent. C’est très simple de créer des beats basiques, mais on en entend tellement chaque jour qu’on finit par devenir de moins en moins exigeant. Le pire, c’est que lorsqu’on ajoute des modulations, on a l’impression de prendre des risques alors que ça devrait être naturel.

Avec quel type de matériel travaillez-vous ?

Principalement du matériel analogique et un peu de numérique. Je me sers de ProTools uniquement pour le tracking. Toutes mes boîtes à rythmes et mes claviers sont authentiques, je n’utilise pas d’instruments virtuels. Je me sers du même matériel depuis que je suis adolescent : la LinnDrum, l’Oberheim, des vieux synthés Roland, Korg…

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Junie Morrison

On trouve de nombreux invités dans Invite the Light, à commencer par Junie Morrison des Ohio Players. Comment l’avez-vous rencontré ?

Par le biais de DJ Soul Sister. Elle l’avait emmené à un de mes concerts à Chicago. Je crois qu’il a aimé ce qu’il a entendu et j’ai pensé à lui pour le rôle du MC qui introduit et clôture l’album. Nous avons aussi enregistré d’autres titres qui sortiront plus tard en faces-B.

Leon Sylvers III et Leon Sylvers IV des Sylvers sont également présents. Étonnant !

Pas tant que ça. Leon Sylvers III est mon mentor. Je travaille avec lui depuis le début des années 1990. Je démarrais à peine dans le music business et ses conseils ont été précieux. Je voulais aussi qu’il soit présent sur cet album car son talent d’écriture est énorme. Son fils Leon Sylvers IV a également participé à « Glyde 2nyte », qui est le deuxième single d’Invite the Light.

Q-Tip, Snoop Dogg, Flea et Jody Watley font aussi partie de cette liste.

C’était un choix délibéré car je voulais que les auditeurs entendent plusieurs voix sur ma musique. Par contre, la prochaine fois, il n’y aura pas d’invités sur mon album, juste moi. Dans Invite the Light, j’ai d’abord eu envie de recréer de toutes pièces une scène funk imaginaire en mélangeant des artistes venus de divers horizons comme Ariel Pink, qui vient du rock indé, Snoop, des légendes comme Junie Morrison, Leon Sylver ou Flea.

« Surveillance Escape » est un titre incroyable qui sonne comme une chute de 1999. Quelle est son inspiration ?

dam-funk_invite_the_light_we_continue_the_405_new_music_funkLe point de départ de ce titre, c’est l’idée que nous sommes tous surveillés en permanence par les réseaux sociaux, le gouvernement et un tas d’autres entités. C’est une sensation que tout le monde peut éprouver, et j’ai d’ailleurs composé certains titres d’Invite the Light pour que tout le monde puisse s’y retrouver. Cet album n’est pas un exercice de branlette et il ne parle pas de ma vie. Pour ce qui est de ma musique, je m’efforce de ne pas copier les autres. Il faut aller plus loin que ses modèles, et ce qui vaut pour la musique vaut aussi pour les pochettes de disques. La mienne est très minimaliste et c’est voulu. Je n’ai pas voulu de rayons laser et de trucs bullshit dessus. À chacun de créer sa propre imagerie en la regardant … Vous savez, le truc qui me rend dingue en ce moment, c’est Soundcloud : tu postes un titre à minuit et d’autres type pondent un morceau identique une heure plus tard sans éprouver la moindre honte. Sur Twitter, des gars me harcèlent pour me demander quel clavier j’ai utilisé. Qu’ils se démerdent tous seuls (rires) ! C’est aussi la philosophie de cet album : même si vous adorez le funk old-school, emmenez le funk plus loin, ne rejouez pas tout le temps les mêmes lignes de basse, essayez de voir plus loin. Le funk doit être respecté comme le sont la musique classique, le jazz, le rock ou le reggae. Il ne doit pas être une blague comme dans un sketch de Dave Chapelle sur Rick James. Vous savez, je connais votre magazine, c’est aussi votre responsabilité de faire passer ce message.

Avez-vous prévu de venir présenter Invite the Light sur scène en Europe ?

Oui, c’est prévu. Aux États-Unis, en Australie et au Japon aussi. Je voudrais aussi ajouter que l’album sera disponible en CD et en version digitale avec des bonus. J’ai eu le contrôle créatif total sur cet album grâce à Peanut Butterwolf (fondateur du label Stones Throw, ndr.). Même si ce disque fait un flop, je suis fier de l’avoir enregistré. Je peux dormir tranquille.

Propos recueillis par Jacques Trémolin

DâM-FunK Invite the Light (Stones Throw). Disponible le 4 septembre en CD, double-vinyle et version digitale.

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