De passage à Paris pour promouvoir sa vodka Crystal Head et la sortie de Liberace, le nouveau long-métrage de Steven Soderbergh, l’acteur-producteur-distilleur Dan Aykroyd évoque ses souvenirs soul et l’aventure des Blues Brothers dans un entretien exclusif.

Funk★U : The Original Blues Brothers Band va tourner cet été en France. Vous êtes le co-producteur de cette tournée avec Judith, la veuve de Jim Belushi. À quoi va ressembler le show ?

Dan Aykroyd : À une revue soul exceptionnelle ! Steve « The Colonel » Cropper, Lou « Blue Lou » Marini et « Smokin » John Tropea seront présents avec des cuivres et une section rythmique d’enfer, Eric « The Red » Udell à la basse et Lee « Funkeytime » Finkelstein à la batterie. Bobby « Sweet Soul » Harden, notre chanteur, a fait un énorme travail pour que l’héritage des Blues Brothers originaux survive. C’est un des meilleurs chanteur/harmoniciste/danseur que je connaisse. Il habite totalement l’esprit des Blues Brothers, il sait comment délivrer cette musique, et il sait aussi que c’est un privilège de jouer avec des musiciens qui ont fait partie de Booker T. & The MG’s, des Bar-Kays et des Blues Brothers originaux. Je suis désolé de constater que mon chemin n’aie pas croisé plus souvent le leur sur scène. J’aurais adoré les rejoindre plus souvent, car les quelques concerts que nous ayons donné ensemble font partie des moments les plus inoubliables de ma vie.

Le blues et la soul sont-elles vos musiques de prédilection ?

Mon premier disque, c’était Evil d’Howlin’Wolf sur Chess Records. J’ai grandi au Canada et il y avait ce club, Le hibou, pas loin de l’université. Un groupe d’étudiants branchés m’a fait découvrir le folk et à l’époque, le blues était vraiment perçu comme une extension du folk aux Etats-Unis. Buddy Guy et B.B. King ne remplissaient pas des salles de 20 000 personnes, ça se passait dans des petites salles ou dans les clubs. Le revival du folk a entraîné celui du blues, et c’est comme ça que j’ai pu voir défiler au Hibou Howlin’ Wolf, Charlie Musselwhite, James Cotton des dizaines de fois. J’ai fait un peu de recherches sur la musique noire, je me suis mis aussi à écouter sur mon petit transistor les stations R&B de Boston, New York et Detroit en ondes courtes. Mais c’est la découverte de Stax/Volt et plus précisément un concert de Sam and Dave à Montréal en 1967 qui a tout changé. Ils ont joué « Soothe Me », une de leurs plus belles chansons, « Shake ». Vous connaissez la malédiction de « Shake » ? Tous ceux qui l’ont enregistrée sont morts peu de temps après. Quand on a commencé à travailler sur le premier album des Blues Brothers je voulais la reprendre, mais Steve Cropper et Donald « Duck » Dunn m’ont dit « non, pas question ! » (rires). À l’époque, je n’aurais pas pu imaginer une seconde que je me retrouverais un jour sur la même scène que Sam and Dave et Steve Cropper, qui les accompagnait ce soir-là !

On raconte souvent que les légendes de la soul étaient au creux de la vague au moment du tournage des Blues Brothers.

C’est ce qu’on dit, mais je ne suis pas tout à fait d’accord. À l’époque du film, Ray Charles continuait à enregistrer et à donner des tas de concerts. Bien sur, The Blues Brothers a donné à tous ces géants de la soul une nouvelle exposition face à la jeune génération. Leurs catalogues ont été réédités et beaucoup de monde s’est jeté dessus. Néanmoins, tous ces artistes ont surtout survécu grâce à leur talent. James Brown ne s’est jamais arrêté. Il tournait peut-être un peu moins, mais il attendait toujours son heure. Le rôle des Blues Brothers était celui de promoteurs de ces titans de la soul. Le public savait que Ray Charles, James Brown, Cab Calloway et les autres étaient toujours là et nôtre tâche était de leur rendre la lumière. Certains d’entre eux sont toujours là, d’autres ont disparu, mais ce n’est pas grave car les géants de la soul ne meurent jamais.


Quel souvenir gardez-vous de James Brown ?

Dans mes meilleurs souvenirs de plateau sur Les Blues Brothers, je mettrais celui du tournage de la scène de l’église. Le gospel est une fondation de la culture noire américaine, et de la culture américaine en général. On a passé une semaine entière dans cette église, et chaque jour était merveilleux. « The Old Landmark », la chanson qu’interprète James Brown dans la scène, est un des titres les plus dynamiques du gospel, et voir James l’interpréter jour après jour était un moment complètement extraordinaire… James Brown a donné cinq shows à la House of Blues de Los Angeles, que j’ai crée en 1992. Chaque soir, j’ai eu la chance de chanter et danser avec lui, et je peux dire que nous étions très proche (En imitant James Brown à la perfection) : « C’mon, boy, sit down and give me a fresh one on the one. Good Lord ! » (rires). Un soir, je lui ai donné une pièce d’or commémorative du concert que nous venions de donner, car il en faisait la collection. Je ne l’avais jamais vu aussi ému…

Propos recueillis par Christophe Geudin

The Original Blues Brothers Band en tournée française en juillet (toutes les dates dans notre agenda).
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