En octobre 2008, le regretté George Duke publiait Dukey Treats, un album fracassant marquant le retour aux affaires funky du génial claviériste. Funk★U avait sauté sur l’occasion (et sur son téléphone) pour converser avec un musicien humble, drôle et chaleureux. Deux ans plus tard, la conversation s’était prolongé en live à la veille d’un concert au Bataclan. George Duke en avait profité pour dresser la liste des albums les plus importants de sa discothèque. L’ancien partenaire de route de Frank Zappa, Billy Cobham et Stanley Clarke avait aussi demandé à Funk★U de servir de boîte postale en nous demandant de confier sa nouvelle adresse à Larry Graham, son ancien voisin de Los Angeles qui se produisait à Paris le lendemain. Souvenirs…

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FunkU : Dukey Treats, votre nouvel album, marque un retour au funk après des années d’enregistrements jazz et latino. Pourquoi ?

George Duke : Depuis de nombreuses années, je termine mes sets jazz avec trois ou quatre titres funk et ça rend les gens dingues, mais de deux manières différentes. Les fans de jazz n’apprécient pas mon côté funky, et les gars du funk ne s’intéressent pas à ma facette jazz. Ces deux aspects font pourtant partie de ma personne. Après les concerts, j’ai l’habitude de rencontrer mes fans, et à chaque fois que je signe des autographes, on me demande si j’ai l’intention d’enregistrer un album funk. C’est de là qu’est partie l’idée de Dukey Treats. C’est un hommage au funk old-school et à ses héros.

Comment doit-on interpréter la métaphore pâtissière du titre de l’album, Dukey Treats (« les douceurs du Duke ») ?

La musique, c’est comme une boîte de chocolats. Il y a plein de choses différentes, des nouveaux goûts, des nouveaux parfums, des chocolats fourrés, avec des noisettes etc . La musique devrait être comme ça. J’adore les spaghetti, mais je n’ai pas envie d’en bouffer tous les jours, et quand je fais un disque, je fais tout pour que les vibes soient différentes d’un morceau à l’autre.

Vous êtes un peu le Forrest Gump du funk.

(Rires), oui, si on veut…

Dans votre discographie, vous explorez beaucoup de genres musicaux, mais vous revenez souvent au funk…

Pour moi, le funk est vital comme peut l’être l’eau. Je joue beaucoup de styles différents, du jazz pur et dur au heavy funk en passant par la musique latine et la pop. Toutes ces musiques sont importantes pour moi. Elles représentent qui je suis en tant qu’artiste.

Vous avez reformé le groupe original de Dukey Stick et celui de « Reach For It » avec Leon « Ndugu » Chancler (batterie), Byron Miller (basse) et Sheila E. aux percussions. Ces retrouvailles étaient-elles prévues de longue date?

Oui. On se parle souvent, et j’avais déjà lancé l’idée il y a quelques années. Par chance, les membres du groupe sont toujours en vie, et on a réussi à se retrouver dans un studio pour retravailler exactement comme nous le faisions à l’époque. On entend le côté festif de ces retrouvailles dans l’album. On s’est beaucoup marrés, on a bu pas mal de vin et au fond, la musique était presque secondaire (rires).

Sheila E. est aussi de retour dans le groupe. Elle devait être encore enfant quand vous l’avez rencontrée ?

Elle avait 18 ans, mais crois-moi, elle savait déjà cogner !

Il y a pas mal d’allusions au P. Funk dans l’album sur des titres comme « A Fonk Tail », « Dukey Treats » ou « Everyday Hero. » Que représente le P. Funk pour vous ?

« Everyday Hero » est plus dans l’esprit de Sly Stone, mais cette fois gonflé aux stéroïdes (rires) ! Pour ce qui est du P. Funk (un temps)… Le problème avec Funkadelic, c’est qu’ils sont drôles. George Clinton est un type très drôle, mais d’une manière très intelligente. Je m’explique : j’ai toujours aimé sa musique, elle est inclassable, mais l’humour permanent me lasse au bout d’un moment. Par contre, la première fois que j’ai entendu « Mothership Connection », j’ai été accro tout de suite. Ndugu, mon batteur, m’a fait découvrir Parliament à l’époque, et j’ai tout de suite su que c’était la direction à suivre. Dans Dukey Treats, des titres comme « A Fonk Tail » ou « Mercy » sont des hommages au P. Funk, mais c’est aussi un clin d’œil à Marvin Gaye, Earth Wind & Fire, mes héros personnels, le tout étant adapté au son que je produis d’aujourd’hui.

Vous chantez sur plusieurs titres de Dukey Treats. Est-ce une chose naturelle pour vous ?

Je chante sur tous mes albums, mais c’est tout sauf naturel pour moi. Dans ma carrière, j’ai travaillé avec des chanteurs incroyables comme Jeffrey Osbourne, Barry Manilow, Nathalie Cole ou Rachelle Ferrell. Je dois bosser comme un dingue pour y arriver, et je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours chanté en falsetto. Plus je vieillis, et plus c’est difficile, mais ça me permet aussi de découvrir ma vraie voix après toutes ces années.

Vous sortez un disque par an, on vous retrouve sur des tas de featurings et vous avez toujours plusieurs projets en route. Pourquoi êtes-vous aussi prolifique ?

J’ai un studio à domicile et j’enregistre tout le temps et j’écris en permanence. Mon secret, c’est que je compose en permanence. En plus, je me sens plus excité par la musique aujourd’hui que je ne l’étais quand j’avais vingt ans. La musique reste pour moi le médium le plus important jamais crée pour toucher les gens.

Quel est le premier disque que vous ayez acheté ?

Ray Charles Presents David «  Fathead » Newman. C’était en 1959, à San Rafael, en Californie, au magasin Tomorrow. J’habitais à quelques kilomètres au nord de San Rafael et j’ai pris le bus pour aller acheter le disque. C’est aussi le disque qui m’a donné envie de devenir musicien. Kind of Blue est arrivé ensuite. Je n’avais jamais entendu de tels accords, c’était à la fois cool et ça me donnait envie de jouer. C’était très différent du disque de Ray Charles. C’étaient deux facettes du jazz que je devais connaître.

Quel est votre album de funk préféré ?

Mothership Connection de Parliament, et aussi There’s a Riot Goin’On et Fresh de Sly Stone.

De rock ?

J’adorais les trois premiers Hendrix bien sûr, mais Mountain aussi. Leslie West était énorme !

Quel est votre album préféré dans votre propre discographie ?

Brazilian Love Affair et Muir Woods Suite, par ce que je sais ce que j’y ai mis. Ce n’est pas un disque très connu, mais je l’aime beaucoup.

Quel est l’album le plus récent que vous réécoutez régulièrement ?

J’adore Jill Scott. Je n’ai pas beaucoup le temps d‘écouter ce qui se passe en dehors de tous mes projets.

Quel disque aimeriez-vous que l’on diffuse lors de vos funérailles ?

« When The Saints Go Marching In » par Louis Armstrong pour rendre tout le monde joyeux. Ou bien « I Did it My Way » de Frank Sinatra.

 

Propos recueillis par Christophe Geudin (parus dans Funk★U # 13, épuisé).