Plus de guitare, moins de cuivres mais toujours un sens aigu de la mélodie et des grooves mélancoliques. À l’occasion de la sortie de son quatrième album While You Were Sleeping sur le label Blue Note, José James décrit son nouveau virage au micro de Funk★U.
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Funk★U : Comment vous sentez vous à l’approche de la sortie de votre nouvel album, While You Were Sleeping ?
José James : Je suis excité comme un gamin. Ça a été beaucoup de travail. J’ai beaucoup évolué sur tous les plans : production, écriture, artwork… Le travail est enfin terminé. J’ai hâte de voir la réaction des critiques, de me confronter aux professionnels de la musique qui auront un avis sur mon album. Beaucoup d’artistes n’aiment pas les obligations de promotion, mais moi je trouve cela marrant et excitant.
Avec cet album vous avez décidé de changer de style. Il y a beaucoup plus de guitares et le moog fait aussi son apparition.
Brad Allen Williams, mon guitariste, a joué un rôle très important. Je voulais de la guitare sur cet album, mais je ne voulais pas que le son sale du rock ou des licks de jazz-fusion. Je voulais quelque chose de plus pop, de plus propre. Alors on s’est enfermé en studio avec Salomon Dorsey (basse), Kris Bowers (claviers), Richard Spaven (batterie), et Brad. Brad a ramené quelque chose comme dix guitares différentes, une dizaine d’amplis et une tonne de pédales d’effets. Du coup, on a vraiment été capable de choisir quel style de son de guitare on voulait sur chaque titre. J’ai toujours été fasciné par les groupes qui utilisent des sons électroniques sur scène, mais qui sonnent toujours comme un groupe live. Pour moi, un groupe, ce sont des musiciens qui jouent ensemble. Radiohead en est le meilleur exemple. Je recherchais ce type d’ambiance, quelque chose qui sonnait à la fois très moderne, mais qui ne sacrifiait pas le côté groupe.
Beaucoup de personnes ont vu en No Beginning No End, un revival de Voodoo de D’Angelo. Certains critiques pensent que ce nouveau virage s’apparente à celui que Bilal a pris avec son dernier album, A Love Surreal.
J’ai été frustré par la comparaison entre No Begining No End et Voodoo. Je pense qu’elle est légitime pour peut-être deux chansons, qui d’ailleurs ont été enregistrées par Pino Palladino et mixées par Russell Elevado (« It’s All Over Your Body » et « Vanguard », ndr). Mais si vous écoutez bien mon album, des titres comme « Come to My Door », « Sword + King », « Tomorrow » ou « Do You Feel », n’ont rien à voir. D’Angelo est une référence, Voodoo est le plus grand album R&B selon moi. Quand j’ai enregistré avec la section rythmique d’Al Green, personne ne s’est offusqué en disant que je faisait du Al Green. Cette comparaison m’a fait prendre la décision d’arrêter de travailler comme ça, en allant chercher d’autres musiciens extérieurs à mon groupe. Il n’y aura jamais de meilleur album jazz que Kind of Blue, Et il n’y aura jamais de meilleur album neo-soul que Voodoo ou Mama’s Gun. Honnêtement, je n’ai pas vraiment écouté le dernier album de Bilal, mais je sais que c’est plus rock.
Vous êtes originaire de Minneapolis. Est-ce que votre ville natale ou vos racines panaméennes ont influencé votre musique ?
Musicalement, non. Mais culturellement, oui. Prince m’a influencé en devenant une star internationale, par le fait qu’il ait su donner une nouvelle tournure à cette ville dans les années 1980. Quand j’étais gamin, je me disais, « OK, quelqu’un d’ici a fait quelque chose à un niveau aussi élevé… ». Les gens qui habitent les grandes villes où beaucoup de musiciens émergent ne comprennent pas trop cela. À New-York, à Paris, c’est très courant. Musicalement, Minneapolis est une ville géniale pour les groupes, les groupes de rock bien sûr, mais aussi les groupes de hip-hop depuis une quinzaine d’années.
Vous êtes parti ensuite à Brooklyn, pourquoi ?
Je suis arrivé à New York en 1999. La scène de Minneapolis était très limitée. C’est un bon endroit pour commencer, mais si tu veux percer, tu dois aller à L.A ou New York. New-York a toujours été, et est toujours, le meilleur endroit pour apprendre le business. J’ai été à la New School pour suivre leur Undergraduate Program de jazz vocal, c’est la seule école qui propose ces cours-là. J’y ai rencontré Robert Glasper et Bilal. C’est une communauté, les anciens sont en contact avec les plus jeunes car ils en ont besoin pour monter des groupes. Tous les musiciens de ce nouvel album sont tous connectés avec la scène de New-York ou la New School : Salomon Dorsey et Takuya étaient à la New School, Kris était à la Julliard et tous les musiciens de mon premier album étaient à la New School.
Kris Bowers et Takuya Kuroda ont sorti leurs albums respectifs cette année. Vous avez produit l’album de Takuya, et vous avez chanté sur l’album de Kris Bowers. Vous sentez-vous à la base d’un collectif avec son propre son et son propre univers, un peu comme celle de D’Angelo, Erykah Badu, Bilal et autres ?
On en a beaucoup parlé entre nous. C’est très important pour nous d’être unis, d’avoir une bonne interaction. On écoute beaucoup de musique ensemble quand on est en tournée. On se fait des découvrir des trucs mutuellement. Salomon est très soul, Kris est très rock indé, et moi plutôt hip-hop. Ils vont me manquer pendant cette tournée car il tournent avec leurs projets respectifs. Mais j’ai de bons remplaçants (rires).
Propos recueillis Par Jim Zelechowski
José James While You Were Sleeping (Blue Note/Universal). Disponible en import et digital. Sortie physique française en novembre.
En concert au Festival Jazz à la Villette le jeudi 11 septembre.