À l’occasion de la réédition de Prince and The Revolution:Live, Wendy Melvoin, Lisa Coleman, Bobby Z. et le bassiste Brownmark nous plongent dans les coulisses du Purple Rain Tour en exclusivité pour FunkU. Shall we begin ?

★★★★★★★★

FunkU : À quel moment avez-vous réalisé que la tournée Purple Rain serait différente des précédentes ?

Wendy Melvoin : Les mois qui ont précédé la tournée ont été frénétiques. On venait d’enregistrer et de répéter pendant pratiquement une année non-stop, n’est-ce pas, Lisa ?

Lisa Coleman : Oui, nous avions passé énormément de temps à travailler sur les titres et les chorégraphies de la tournée et ces répétitions étaient très intenses, comme toujours avec Prince.

Bobby Z. : Nous avions beaucoup plus répété que d’habitude pour les concerts de Purple Rain. Nous avions déjà beaucoup répété lors du tournage du film, mais l’intensité est encore montée d’un cran lors des répétitions de la tournée. Je me souviens aussi que la scène était beaucoup plus grande que d’habitude et, bien entendu, le succès du film rendait l’enjeu très excitant. Cette fois, contrairement aux tournées précédentes, comme celle de 1999 par exemple, la dynamique était totalement nouvelle car Purple Rain était devenu un véritable phénomène. Du jour au lendemain, nous étions devenus les Beatles.

Brownmark : Pour 1999, tout s’était passé comme d’habitude : nous avions répété, puis nous étions partis sur la route. De mon côté, j’ai senti que cette tournée allait être différente dès l’avant-première de Purple Rain, au Palace Theater de Los Angeles. Le tout Hollywood s’était déplacé et je n’en revenais pas. Tout d’un coup, ça devenait énorme. Je n’avais jamais vu ni vécu une chose pareille…

 

Aviez-vous pour intention de reproduire sur scène les séquences phares du film lors de la tournée Purple Rain ?  

Lisa Coleman :  La plus grande partie du concert consistait à adapter le film en situation live, en effet, car pour les spectateurs, voir ces séquences prendre vie sur scène était presque irréel. Nous voulions créer l’impact le plus fort possible.

Bobby Z. : Il fallait reproduire certaines scène du film, mais pas seulement : dans la setlist, on trouvait quelques hits comme « 1999 » ou « Do Me Baby » et d’autres titres que nous jouions depuis des années auxquels venaient s’ajouter ceux de Purple Rain, qui constituait l’essentiel du répertoire. Roy Bennett, le responsable des éclairages qui avait également travaillé sur le film, était aussi chargé d’éclairer les titres de Purple Rain de la même manière qu’à l’écran. Par exemple, tous les spots devenaient rouges pendant « Darling Nikki ».

Brownmark : Bien sûr, il était important de reproduire certaines scènes du film, mais pour moi, cette tournée était simplement la continuation de ce que nous faisions déjà sur scène depuis plusieurs années. Purple Rain montre le groupe au travail d’une manière très fidèle à la réalité. Notre énergie avait nourri le film, puis le film avait nourri la tournée en retour.

 

Ces concerts sont aussi très chorégraphiés, bien plus que les tournées précédentes.

Bobby Z. : Ces chorégraphies étaient très importantes, et ces concerts avaient parfois un côté théâtral car nous devions, en quelque sorte, reproduire certaines idées de mises en scènes du film. Néanmoins, ces pas de danse alliés à l’énergie live du groupe nous permettaient d’atteindre un niveau supérieur. Brownmark avait organisé les chorégraphies avec Prince pendant le tournage et lors des répétitions de la tournée. Pendant les répétitions, Prince avait l’habitude de blaguer en nous disant : « allez les petits blancs, à votre tour de vous secouer ! » (rires). Si vous regardez attentivement la vidéo de Syracuse, vous pouvez constater que les membres du groupe qui se trouvent sur le devant de la scène ne font pas les mêmes pas que ceux qui sont à l’arrière.

Brownmark : Bobby, Matt (Dr. Fink, ndr) et Lisa bougeaient en même temps en rythme et c’était fascinant à observer, car en général, le chanteur est toujours le seul à bouger sur scène au milieu de son groupe.

 

La tournée Purple Rain a démarré à la Joe Louis Arena de Detroit le 4 novembre 1984. Quel souvenir gardez-vous de cette première date ?

Lisa Coleman : Physiquement, nous étions déjà prêts depuis plus plusieurs mois, mais d’un point de vue mental, on ne savait pas du tout à quoi s’attendre, et ce n’est que le premier soir de la tournée, à Detroit, que nous avons compris ce qui se passait. Heureusement, nos corps étaient prêts, contrairement à nos esprits (rires).

Wendy Melvoin : Ce premier concert était comme un rêve devenu réalité. J’étais encore une gamine et j’étais fan absolue de la musique de Prince. Avant Detroit, je n’avais joué que dans des clubs avec lui, et tout d’un coup, je me retrouvais dans une arène de 20 000 personnes. Je ne pouvais pas rêver mieux.

Bobby Z. : Ce premier concert était complètement dingue. Avec Prince, les répétitions étaient toujours un moment très privé, mais lorsque le rideau s’est levé à Detroit, nous avons eu droit à une ovation assourdissante, inouïe. Les cris du public étaient tellement forts que nous ne pouvions pas nous entendre jouer « Let’s Go Crazy ». Nous avions pourtant l’habitude de jouer très fort, mais cette fois, le public nous dépassait et c’était un vrai choc.

Brownmark : Au bout de quelques dates, nous avons été obligés de porter des bouchons de protection, mais chaque soir, en entrant sur scène, la salle réagissait tellement fort que je pouvais quand même l’entendre à travers la mousse. C’était comme une tornade en approche, un tremblement sourd qui parvenait à vos oreilles et qui finissait par envahir votre corps tout entier. Chaque fois que je retirais les bouchons, j’étais obligé de les remettre aussitôt car je me sentais agressé par la puissance des décibels.

Bobby Z. : Prince n’aimait pas les moniteurs de retour placées au centre de la scène. Il avait donc installé deux moniteurs de chaque côté de la scène et leur volume était incroyablement élevé. Toute la scène était suramplifiée, mais il parvenait quand même à saisir chaque détail, chaque note jouée. Je ne comprend toujours pas comment il pouvait arriver à nous entendre au milieu de ce vacarme infernal.

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Aviez-vous noté un changement dans le public lors de cette tournée ?

Brownmark : Oui, totalement. Lorsque je suis arrivé dans le groupe, Prince venait de terminer la tournée Dirty Mind et il allait démarrer celle de Controversy. À l’époque, son public était essentiellement noir, mais après 1999, j’ai pu constater un changement avec l’arrivée d’un public plus homogène, puis tout s’est transformé lors de la tournée Purple Rain, comme si un tout nouvel auditoire venait de découvrir Prince. Noirs, blancs, portoricains… Toutes les cultures étaient représentées, et c’était quelque chose de très important pour lui.

Bobby Z. : Le succès du film a certainement beaucoup joué dans ce changement. Notre public avait commencé à changer à partir du succès de « Little Red Corvette », qui passait beaucoup sur MTV. C’était un public majoritairement blanc qui venait du rock, le même qui était venu voir les Rolling Stones lors de notre première partie désastreuse en 1981. Ce qu’a l’habitude de dire Lisa est très vrai : Prince a réussi à séduire le public qui l’avait hué ce jour-là, il était parvenu à réaliser le crossover parfait.

 

 

Quels sont vos moments préférés du concert ?

Bobby Z. : J’aime particulièrement ses moments calmes. Vers la moitié du show, il y avait un segment au piano qui pouvait s’étirer pendant de longues minutes. ©PRN MusicCorp.-Nancy Bundt photographer1985_3_300dpiC’était presque hypnotique. Depuis mon kit de batterie, je pouvais regarder les autres membres du groupe jouer. Prince était seul au piano, et c’était toujours un spectacle formidable de l’observer. Lors de ces moments, je me rappelais de nos débuts très humbles, et je réalisais tout le chemin qu’il avait parcouru depuis…

Brownmark : Il y en a tellement… Dès que nous entrions sur scène, je ressentais une énergie euphorique qui me catapultait dans la stratosphère. C’est la chose la plus incroyable qui puisse vous arriver dans une vie… Bien plus qu’un extrait du concert, je retiens les réactions de la foule qui étaient phénoménales chaque soir. Je n’oublierai jamais mon premier concert avec Prince lors de la tournée Controversy, à Pittsburgh. Ce soir-là, une fille s’était évanouie et avait dû quitter la salle sur une civière. Le concert n’était même pas commencé ! Je n’en revenais pas, et j’ai compris à cet instant que j’embarquais dans quelque chose d’unique. Arrivé à la tournée Purple Rain, je me suis retrouvé sur le toit du monde.

Lisa Coleman : La toute première partie du concert était un moment particulièrement intense. Je me souviens des fumigènes, des cris du public…

Wendy Melvoin : (hurle) « Let’s go crazy ! ».

Lisa Coleman : C’était comme le décollage d’une fusée, avec le compte à rebours avant de s’envoler.

Wendy Melvoin : Je n’ai pas de moment préféré, car j’envisage les concerts de cette tournée comme un tout, ou plutôt comme une sorte de livre : chaque chanson était comme un chapitre, et ces chapitres racontaient une histoire avec un début, un milieu et une fin… Et vous, quel est votre moment préféré du concert ?

 

Probablement la version longue de « Baby I’m a Star », avec ses longs jams funky et les invités sur scène.

Lisa Coleman : J’ai revu cette séquence il n’y a pas longtemps, et elle est très fun, c’est vrai. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de monde autour de nous, c’était un moment très festif.

Wendy Melvoin : Bruce Springsteen nous avait rejoint sur ce titre à Los Angeles, il me semble. Chaque fois qu’un invité venait jouer avec nous, Prince prenait un malin plaisir à nous faire jouer des breaks compliqués que nous avions appris lors des répétitions, et ces pauvres gars avaient l’air perdus (rires) ! Il a fait ça à Sting aussi…

 

 

Vous souvenez-vous d’incidents amusants survenus lors de cette tournée ?

Wendy Melvoin : Vous voulez dire des incidents à la Spinal Tap (rires) ?

Bobby Z. : Lors de l’avant-première de Purple Rain, je devais monter sur scène pour rejoindre le groupe, mais je me suis trompé de porte et je me suis retrouvé tout seul dans une cuisine vide. Il faisait très sombre dans cette pièce, et tout d’un coup, une ombre est sortie de la pénombre : Prince m’a attrapé par le col, comme dans un sketch de Laurel & Hardy, avant de m’entraîner dans la bonne direction.

Lisa Coleman : Oui, on s’est beaucoup perdus dans des cuisines en essayant de chercher la scène pendant cette tournée !

Wendy Melvoin : On criait « Hello Cleveland ! », comme dans Spinal Tap, mais ça ne faisait pas rire Prince. En fait, il détestait ce film, probablement parce qu’il avait dû vivre des choses similaires au début de sa carrière. Ca devait lui rappeler de mauvais souvenirs (rires).

Brownmark : Prince avait l’habitude de se chauffer les cordes vocales avant chaque concert. Il pouvait faire ça n’importe où, dans une loge, dans les toilettes ou dans un couloir. Il poussait des cris aigus surpuissants, à vous arracher les tympans. Un jour, sans le prévenir, j’ai décidé de faire la même chose quelques minutes avant de monter sur scène. Prince est aussitôt entré dans la pièce et m’a demandé ce que j’étais en train de faire. Il avait l’air étonné, puis il s’est mis à rire et m’a dit : « fais-le si ça t’amuse, mais tu n’es pas moi » (rires).

©PRN MusicCorp.-Nancy Bundt photographer1985_BrownMark_300dpi

Lors de cette tournée, beaucoup de nouveaux titres ont été crées lors des soundchecks. Quelle était l’importance de ces balances pour Prince ?

Lisa Coleman : Le but de ces soundchecks n’était pas de vérifier les micros, mais de jammer et de nous faire travailler sur de nouvelles idées d’arrangements ou de chansons.

Bobby Z. : Dans l’histoire de la musique, personne ne faisait de soundchecks comme Prince ! Avec lui, les soundchecks n’étaient pas seulement des balances, mais plutôt des répétitions et même parfois des séances d’enregistrement. Il pouvait nous faire rejouer « Let’s Go Crazy » pendant les cinq dernière minutes, mais ce n’était pas le plus important. Très souvent, il nous montrait de nouvelles chansons, avant de les enregistrer grâce au studio mobile installé dans un camion garé à côté de la salle.

Brownmark : On arrivait en ville vers sept ou huit heures du matin. J’étais le seul membre du groupe qui dormait la nuit, et je passais la journée avec Chick, notre garde du corps, à faire un peu de sport, puis vers trois ou quatre heures de l’après-midi, nous avions rendez-vous à la salle, et la musique ne s’arrêtait pas jusqu’à sept heures.

Lisa Coleman : On jouait pendant des heures jusqu’à ce qu’on nous éjecte de la salle car c’était l’heure du concert.

Bobby Z. : Prince ne voulait pas passer deux heures à l’hôtel à attendre l’heure du concert, et dès que la scène était installée dans l’après-midi, il était prêt. On jouait littéralement jusqu’à la dernière seconde et dès que nous étions partis, la salle ouvrait ses portes au public. Et cette habitude a duré pendant toute la tournée jusqu’à la dernière date, à Miami.

Le concert de Syracuse a été diffusé en direct par satellite sur plusieurs chaînes autour du monde. Cela a-t-il ajouté une pression supplémentaire ?

Brownmark : Prince était le perfectionniste ultime. Il contrôlait chaque détail et avait calculé tout ce qui allait se passer à chaque instant du concert en tenant compte des caméras. Il nous avait préparé à cette éventualité et nous avait appris comment « jouer » avec elles.

Wendy Melvoin : Il y avait quand même de la pression car il ne fallait pas faire d’erreurs sur scène. L’équipe technique aussi devait être parfaitement au point, mais toutes ces heures de répétitions ont fini par payer, car ces concerts étaient devenus comme une seconde peau pour nous après six mois de tournée. Nous nous sentions également plus libres sur certains titres, beaucoup plus que lors des premiers concerts.

Lisa Coleman : Parfois, nous faisions des erreurs, mais Prince en faisait aussi. Par exemple, il pouvait démarrer un refrain trop tôt, ou se tromper dans les paroles. Il lui arrivait aussi de courir vers le micro, donner un coup de pied dedans, le rattraper et chanter quelques paroles d’une autre chanson sans prévenir. Si nous n’étions pas synchrones, tout risquait de s’écrouler. Dans ces moments-là, il ne fallait surtout pas le perdre de vue et être encore plus vigilants que d’habitude pour pouvoir le rattraper, car même quand il avait tort, il avait raison (rires) !

Bobby Z. : Syracuse était un des derniers concerts de la tournée, et l’ambiance était proche de celle de la fin de l’année scolaire. Nous étions parfaitement au point car nous étions sur la route depuis plus de six mois. Syracuse était donc simplement une date de la tournée Purple Rain que nous devions assurer comme toutes les autres, avec une nuance : nos concerts étaient souvent filmés pour les écrans de la salle, mais le fait de savoir que celui-ci était retransmis par satellite ajoutait une pression supplémentaire sur nos épaules. En 1985, c’était quelque chose d’assez nouveau et nous dépendions entièrement cette nouvelle technologie. Prince aussi devait ressentir une certaine pression, car c’était un moment historique pour lui. Il faut se rappeler aussi que ce show avait été était retransmis dans le monde entier car nous n’allions pas effectuer de tournée mondiale avec Purple Rain.

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Comment avez-vous réagi à cette annonce ?

Bobby Z. : J’ai été très déçu en l’apprenant. J’imaginais que nous allions faire une pause avant de reprendre la tournée, car l’intérêt pour Purple Rain était encore très élevé — et il l’est encore aujourd’hui. J’ai été également déçu pour les fans, mais j’étais aussi fatigué après avoir traversé un cycle de trois ans incluant l’enregistrement de l’album, le tournage du film puis la tournée. Prince n’avait jamais passé autant de temps sur un projet. Nous étions tous exténués, mais nous aurions pu continuer et les concerts européens et japonais auraient été extraordinaires, j’en suis persuadé.

259217-001-V2.psdBrownmark : Nous avions travaillé depuis fin 1982 pour atteindre ce but. Nous étions proches du burn-out pendant cette tournée, mais nous aurions dû la poursuivre à travers le monde car la récompense aurait été phénoménale au vu de ce que nous avions réalisé rien qu’aux États-Unis.

Wendy Melvoin : Nous étions forcément déçus, mais nous savions pourquoi il avait pris cette décision et nous l’avons soutenu. Nous savions aussi que ce n’était qu’une question de temps et que nous allions voyager dans le reste du monde avec Parade, et que ces concerts allaient être encore meilleurs. La tournée Purple Rain était fantastique, c’était du grand spectacle, mais l’expression musicale de la tournée Parade était plus riche et satisfaisante à mes yeux.

Bobby Z. : Lorsque nous sommes venus en Europe l’année suivante pour la tournée Parade, nous avons pu entrevoir un aperçu de ce que la tournée mondiale Purple Rain aurait pu donner. La réaction du public aurait sans doute été encore plus forte qu’aux États-Unis, car les fans européens de Prince sont encore plus enthousiastes que les fans américains.

 

Selon vous, pourquoi Prince a-t-il décidé de ne pas poursuivre la tournée Purple Rain en Europe et dans le reste du monde ? 

Bobby Z. : Il avait déjà la tête ailleurs. Around the World in a Day était quasiment terminé, mixé et masterisé avant la première date de la tournée à Detroit.

Brownmark : Quand il nous a annoncé qu’il n’y aurait pas de tournée mondiale, je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit précisément : « Je m’ennuie » (« I’m bored »).

Wendy Melvoin : Le mot est un peu fort, mais il y avait de ça.

Lisa Coleman : Je dirais plutôt « impatient » (« restless »).

Bobby Z. : En tournée, Prince s’ennuyait souvent au bout de quelques dates, et quand il s’ennuyait, il voulait passer à autre chose le plus vite possible.

 

D’après plusieurs témoignages, la tournée Purple Rain est aussi le moment où Prince a commencé à s’éloigner des membres de The Revolution.

Wendy Melvoin : Non. Ça, c’est arrivé plus tard… Nous étions vraiment soudés pendant la création de Purple Rain, Around the World in a Day, Parade et d’une grande partie de Sign’O’The Times. Nous formions alors une véritable unité créative avant qu’il ne décide de passer à autre chose.

 

Rétrospectivement, pensez-vous que le phénomène Purple Rain était devenu trop grand, trop difficile à supporter pour Prince ?

Bobby Z. : Rien n’était trop grand pour Prince ! Il voulait devenir une superstar et il avait atteint son objectif. Je crois aussi qu’il pensait pouvoir supporter toute cette pression grâce à la perspective d’Around the World in a Day et du projet Parade qui commençait à germer. Le phénomène Purple Rain était gigantesque, mais Prince avait du mal à apprécier ce moment car il vivait toujours dans le futur. « Nous allons faire ci, puis nous allons faire ça… » Et il pensait déjà à ce qu’il allait faire après Purple Rain pendant qu’il enregistrait l’album !

 

Prince and The Revolution:Live est réédité à partir de nouvelles sources audio-vidéos retrouvées dans le Vault. Si vous deviez exhumer une performance live filmée de The Revolution, laquelle choisiriez-vous ?

Wendy Melvoin : Sans hésiter, le concert de l’anniversaire de Prince à Detroit pendant la tournée Parade.

Lisa Coleman : Moi aussi.

Brownmark : La version live d’« America » filmée à Nice, lors du tournage d’Under the Cherry Moon, car elle incarne parfaitement ce pourquoi nous avions travaillé pendant des années. Prince voulait nous voir monter sur scène pour exprimer nos propres personnalités, et c’est exactement ce qui se passe dans cette vidéo. Le groove de cette version est explosif, et la version longue que nous avions enregistrée en studio devait dépasser les trente minutes. Prince a dû l’éditer pour qu’elle rentre dans l’album, mais elle reste une chanson parfaite pour jammer pendant des heures.

Bobby Z. : Je me souviens très bien du tournage de cette vidéo live d’« America » filmée sous un chapiteau à Nice dans une chaleur infernale, un moment incroyable…  Il y a sans doute plein d’autres vidéos intéressantes, mais cette vidéo capture Prince and the Revolution à leur sommet. Le fait qu’elle ait été tournée en France n’est pas anodin non plus : Prince s’était inspiré de Versailles pour construire Paisley Park, et chaque visite en France était un moyen pour lui de s’enrichir culturellement. La France a également joué un grand rôle dans l’histoire de The Revolution, et personnellement, je n’oublierai jamais le dernier concert que nous avons donné à Paris, il y a quelques années. Plus généralement, je garde un très bon souvenir du tournage de la vidéo de « Raspberry Beret », et j’aime beaucoup nos représentions animées dans la version finale du clip. La chorégraphie de Brownmark à la fin du clip de « When Doves Cry » est très réussie aussi.

 

The Revolution s’est reformé en 2016, l’année de la disparition de Prince, et vous êtes venus jouer en Europe en 2019. Avez-vous l’intention de prolonger cette tournée ? 

Bobby Z. : Nous étions censés revenir en Europe, mais le covid en a décidé autrement…

Lisa Coleman : Nous aimerions beaucoup revenir jouer à Paris avec The Revolution, mais si nous devons rejouer ensemble, il faudrait imaginer quelque chose d’entièrement nouveau, car pour nous, ces concerts sont encore une épreuve très douloureuse émotionnellement parlant. Prince n’est plus là, et nous ne voulons pas non plus engager un imitateur à sa place. Peut-être que les fans seront chargés de chanter ces titres à sa place, car ses chansons appartiennent à tout le monde désormais.

Propos recueillis par Christophe Geudin. Photos : Nancy Bundt (©PRN MusicCorp). Remerciements à Yazid Manou.

 Prince and The Revolution:Live (Legacy Recordings). Disponible le 3 juin en coffrets triple-vinyle et 2CD/Blu-ray.